Les seins d’Angelina Jolie

Le Professeur Maurice Mimoun est revenu au cours du mois de juin 2013 sur la double mastectomie préventive d’Angelina Jolie. Retrouvez son intervention. 

Retrouvez le témoignage “Madame Boutin, voilà ce que c’est de se faire retirer les seins” de Laure D. sur Rue89, en réaction aux propos de Christine Boutin sur la double mastectomie préventive d’Angelina Jolie (“Pour ressembler aux hommes ? Rire ! si ce n’était triste à pleurer !”). 

Le Professeur Maurice Mimoun revenait sur la double mastectomie préventive d’Angelina Jolie dans France Dimanche. 

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France Dimanche – 3485 – BIEN-ETRE – Florence Heimburger

La mastectomie d’Angelina Jolie, c’est pour qui ?

Porteuse de mutations génétiques, l’actrice américaine a révélé le 14 mai dernier avoir subi une double ablation des seins pour prévenir un cancer. A qui s’adresse cette méthode ? En quoi consiste-telle ? Combien ça coûte ? Le point avec un spécialiste.

Absente du festival de Cannes, Angelina Jolie ne l’a pas pour autant été des tabloïds. La raison ? Dans une tribune parue le 14 mai dans le New York Times, le sex-symbol d’Hollywood a révélé avoir subi une ablation préventive des deux seins du fait d’une prédisposition génétique aux cancers du sein et de l’ovaire. Dans un long texte intitulé « Mon choix médical », la star âgée de 37 ans, a en effet expliqué qu’elle était porteuse d’une mutation du gène Brca1, ce qui l’expose à un risque de 87 % de développer un cancer du sein et de 50 % pour celui de l’ovaire. « J’ai décidé de prendre l’initiative et de minimiser les risques autant que possible (…). J’ai commencé avec les seins, car le risque de cancer du sein est plus élevé que celui de l’ovaire et la chirurgie est plus complexe », a relaté Angelina Jolie. « Je peux dire à mes enfants qu’ils n’ont plus besoin d’avoir peur de me perdre en raison d’un cancer du sein ». La célèbre actrice ne sait que trop de quoi elle parle : sa mère a succombé à une tumeur ovarienne à l’âge de 56 ans.

Le choix d’Angelina Jolie d’une intervention radicale pourrait bien faire des émules auprès d’autres femmes présentant une mutation des gènes Brca1 ou Brca2. Mais certains spécialistes s’inquiètent du risque de prosélytisme alors que la mastectomie, comme toute opération, présente des risques, et n’annihile pas le risque de cancer. L’acteur américain Brad Pitt, compagnon d’Angelina Jolie, a quant à lui salué la décision d’ « Angie », décision qu’il a qualifié d’« absolument héroïque » dans une interview accordée à la presse. Pour France Dimanche, le Pr Maurice Mimoun, chef du service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, fait le point sur cette intervention.

 

France Dimanche : « Que pensez-vous de la décision d’Angelina Jolie ?

Le Pr Maurice Mimoun : C’est une décision courageuse et judicieuse car Angelina Jolie présente une mutation du gène Brca1 et que sa mère est décédée jeune d’un cancer de l’ovaire. Son choix de la médiatiser est formidable. Peut-être va-t-elle donner l’énergie aux autres femmes concernées de s’en occuper et d’en faire autant ? L’ablation prophylactique (NDLR : à titre préventif) des seins dans ce contexte diminue très significativement le risque qui tombe aux alentours de 2% La femme doit bien peser le pour et le contre après avoir été informée des enjeux par l’équipe soignante.

F.D. : Combien de femmes en France sont porteuses de mutations sur les gènes Brca1 et Brca2 et quels sont les risques de développer un cancer du sein et de l’ovaire lorsque l’on est porteuse de ces gènes défectueux ?

Le Pr M.M. : Une femme sur 1000 environ est porteuse des mutations des gènes Brca1 ou Brca2. Le risque pour ces femmes de présenter un cancer du sein avant 70 ans est estimé entre 60 % et 85 % contre 10 % dans la population générale. Celui de développer un cancer de l’ovaire entre 15 à 45 % pour une mutation du Brca1, un peu moins pour le Brca2.

F.D. : Comment savoir si l’on est porteuse de ces gènes ?

Le Pr M.M. : Il faut pratiquer un test de dépistage des mutations sur ces gènes. Il s’agit d’une analyse génétique réalisée à partir d’une prise de sang. En France, l’examen est remboursé par la sécurité sociale s’il est prescrit par un oncogénéticien. Le praticien juge s’il existe un risque de mutation, après étude dans l’arbre généalogique des cancers de la famille et de leurs types. Les résultats ne sont connus qu’au bout de plusieurs semaines. Au plan psychologique, un résultat positif est très angoissant car il fait peser la menace du cancer sur la personne elle-même et sur sa descendance. Toutefois, un test négatif concernant les gènes Brca1 et Brca2 n’exclut pas la possibilité que d’autres gènes mutés – que nous n’avons pas encore identifiés – soient à l’origine de cancers génétiques. Cependant, les femmes doivent savoir que si elles n’ont aucun antécédent familial, il n’y a pas lieu de s’affoler. En cas de craintes ou de doutes, elles doivent en discuter avec leur généraliste ou leur gynécologue. Seuls les spécialistes peuvent juger de la pertinence de réaliser un tel test, qui n’est pas systématique.

F.D. : Quelles autres solutions que la double mastectomie préventive s’offrent aux femmes concernées ?

Le Pr M.M. : Pour les seins, il faut instaurer une surveillance rapprochée par palpation des seins deux à trois fois par an, une mammographie et une échographie annuelles dès l’âge de 30 ans. Ces examens peuvent être complétés par un « IRM mammaire » (imagerie par résonance magnétique). Un cancer du sein dépisté précocement a de très bonnes chances de guérison. Côté ovaire : un examen gynécologique deux fois par an et une échographie pelvienne tous les ans sont recommandés. En outre, si le risque génétique est établi, l’ablation des ovaires (ovariectomie) est à envisager car non seulement elle évite le cancer de l’ovaire mais elle diminue de moitié environ le risque de cancer du sein. En effet, les ovaires libèrent des hormones féminines qui peuvent accélérer le développement d’un cancer du sein. L’âge et le désir de grossesse tiennent évidemment une place importante dans la décision d’opérer. Le choix d’Angélina Jolie a été d’attendre pour ses ovaires mais le risque existe.

F.D. : En quoi la mastectomie préventive consiste-t-elle ?

Le Pr M.M. : Cette opération consiste à ôter chirurgicalement la totalité de la glande mammaire pour les deux seins, en conservant néanmoins tout ou partie de la peau et parfois le mamelon et l’aréole en vue d’une reconstruction mammaire généralement réalisée lors de la même intervention chirurgicale. Elle doit être confiée à des mains expertes car il s’agit de peler méticuleusement la glande. La reconstruction peut se faire par pose de prothèses, ou greffe des propres tissus de la patiente : lambeau de grand dorsal, cellules adipocytaires ou lambeau D.I.E.P. (graisse et peau de la zone abdominale)… selon l’anatomie de la femme et en tenant compte de son avis.

F.D. : Quels sont les résultats d’une mastectomie ?

Le Pr M.M. : C’est une atteinte à la féminité. Heureusement, on sait aujourd’hui très convenablement reconstruire les seins. Cependant des cicatrices restent visibles et il existe une perte de sensibilité qui peut retentir sur la sexualité.

F.D. : Combien ça coûte ?

Le Pr M.M. : L’intervention est entièrement prise en charge par la Sécurité sociale. »